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Page:Barbey d’Aurevilly - Les Ridicules du temps, 1883, 3e éd.djvu/25

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Je ne dis pas l’attaque, la charge à fond de train faite contre quelqu’un, même avec du talent, un certain jour; je ne dis pas le mot impertinent, le paradoxe, la guerre, l’envie de faire du bruit en tirant un coup de pistolet dans la rue pour que les passants se retournent, l’insulte crâne, la réclame au sang, toutes ces impatiences et ces abus du génie français que malgré tout on aime !

Non! je dis la Critique, la calme et inflexible Critique qui, à part la personne, la situation, les opinions, le journal auquel elle appartient, prend un livre, le couche sur sa table d’anatomie, le coupe en quatre, explique les secrets ou de sa mort ou de sa vie, et, après avoir terminé ce cruel et noble ouvrage, se soucie peu du nom dont on l’appelle, fût-ce une injure ! Sur l’honneur, cela ne se voit plus !

Et si quelqu’un avait, comme on dit, la tête faite pour comprendre l’imprudente beauté de cela, je lui conseillerais de s’accoutumer à manger des sauterelles, comme saint Jean. Je lui conseillerais de vivre sur la colonne du Stylite, ou de rester invisible comme le Vieux de la Montagne.

Un Vieux de la Montagne qui devrait faire sa besogne tout seul !