Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/104

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le faire revivre, et, à propos d’un type de cette hauteur, ne pas coudre le vaudeville à l’épopée ! Dans le roman de M. Sandeau, c’est le vaudeville qui l’a emporté. Partout Renée est ridicule et pédante. Sèche d’ailleurs, creuse comme une écorce de sureau vidée par le couteau d’un enfant, cette femme, qui devrait, pour être grande, avoir un cœur qu’elle tiendrait sous elle et qu’elle sacrifierait à la gloire et à la pensée des aïeux, n’est que la dernière venue de tous les livres modernes, qui nous ont donné mieux que ce carton-pâte, depuis Flora Mac Ivor, cousant le suaire de son frère, dans Walter Scott, jusqu’à la Mathilde de la Môle, du roman de Beyle, et la Laurence de Cinq-Cygne, de Balzac. Dans Balzac, dans Beyle, dans Walter Scott, cette femme, qui passe à travers trois puissants cerveaux différents, est une triple création renouvelée à chaque fois. Mais chez M. Sandeau, ce débris de toutes les palettes n’est plus que le fantôme grimaçant et exsangue des fortes vivantes que nous avons admirées et que nous ne pouvons plus oublier. Il en est de même des autres personnages de La Maison de Penarvan. L’abbé Pyrmil n’est qu’un décalque de l’admirable Dominus Sampson de Guy-Mannering. Mais où Walter Scott est sublime de réalité, de nuances charmantes, de comique et de pathétique à la fois, M. Sandeau niaise en peignant un niais qu’il insulte par la manière dont il le présente, et sans intention de l’insulter. C’est surtout dans ce personnage de l’abbé Pyrmil que la maladresse et la grossièreté dont nous avons parlé plus haut sont évidentes. Singuliers contrastes de l’esprit et de la destinée ! Walter Scott, le greffier aux mains gourdes de la vieille Enfumée