Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/122

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sa manière. Quel goût pour habiller ses fantômes. C’est le Shakespeare de la nouveauté !



IV

Mais nous avons mieux que Germaine. Maître Pierre, que l’auteur a publié depuis, est un livre presque réussi. Maître Pierre, un Landais, une espèce de Robinson Crusoé de la Lande, est un paysan conçu à l’envers des paysans de Walter Scott, qui sont les fils respectueux du passé, qui aiment leurs coutumes et meurent pour elles. Maître Pierre rompt avec les siennes et prépare à la Lande, comme on dit maintenant, son avenir. Le roman qui porte son nom est l’histoire de ce défricheur de génie, et quoique cette histoire, trop simple pour qu’on puisse l’analyser, ait moins d’étoffe et de sensibilité que les romans de M. Paul Féval, lorsqu’il fait bien ; quoique le sans-façon, le lâché, le débraillé, se retrouvent dans ce livre comme dans les autres compositions de M. About, cependant il leur est incomparablement supérieur. En sortant de Germaine, nous sortons d’une littérature diabétique, et dans Maître Pierre nous entrons dans quelque chose de nouveau, de particulier, de moderne, qui sera peut-être demain toute la littérature de ces derniers temps. En France, M. Edmond About doit être, qui sait ? le Maître Pierre de cet avenir-là.

En effet, s’il pouvait se défaire de ce ton sans gêne qui ne le quitte jamais (littérairement, bien entendu) et qui le conter, la casquette sur la tête et les mains