Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/130

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un cauchemar, et à travers l’indécision d’un ménagement. Le malheureux qui raconte son histoire semble croire qu’elle n’est pas finie. Il traîne la chaîne qu’il a rompue comme s’il espérait encore de la rattacher, et le livre arrive à son terme sans qu’il ait brûlé son vaisseau.

Et comment pourrait-il en être autrement, du reste ? Inventé ou réel, le héros anonyme de ce récit, où l’on ne nomme personne, et qui ressemble au linge démarqué des suicidés ou des criminels, ce héros n’est qu’un enfant, et sa maîtresse, qui lui plante incessamment ce soufflet sur la face, « vous êtes un enfant », lui dit la vérité. Il n’est pas autre chose. Et il ne grandira jamais ! Ce n’est point un enfant, parce qu’il a dix ans de moins qu’elle, mais parce qu’il n’a ni force de volonté, ni principe, ni manière à lui de concevoir la vie, ni rien, enfin, de ce qui constitue en bien ou en mal la virilité morale d’un homme. Pauvre petit nerveux, bien élevé de ce temps, qui aime les belles choses agréables, et sa maîtresse par-dessus le marché, parce qu’elle est une de ces belles choses-là ; mais enfant toujours, et enfant gâté, révolté ou docile, apaisé ou furieux, et qui ne devient pas plus homme sous l’étreinte de la Peine, parce qu’il n’a ni une conviction, ni une idée sur laquelle il s’appuie pour lui résister !


III

Cette conception si commune et si molle du héros de M. Ernest Feydeau est, selon nous, le défaut capital