Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/131

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de son livre. D’abord, elle empêche tout intérêt de s’attacher à un être aussi faible et aussi chétif, dont les violences même ont quelque chose de grêle, et qui, tout à l’heure, exaspéré par les jalousies de l’amour-propre et de l’autre amour, n’arrivera jamais à une véritable énergie. Mais ce n’est pas tout, elle nuit profondément à l’idée du livre. On met à son compte ce qui devrait être au compte seul de l’adultère, et on se dit que si l’amant de Fanny était un autre homme, un homme de vigueur et d’intelligence, il n’y aurait plus ni tant d’orage, ni tant de honte, ni tant de tortures, et que les coupables, après tout, pourraient être heureux ! Or, c’est précisément le contraire que M. Feydeau avait à montrer. Les douleurs de l’adultère sorties de l’adultère, tenant uniquement à ce fait, que les deux amants sont adultères, et se produisant pour emporter le bonheur qui semble préservé par tous les hasards de la vie, voilà le sujet digne d’un observateur profond dans lequel il fallait plonger, et, pour y plonger mieux, il fallait écarter tout ce qui énervait cette donnée terrible de l’adultère, se frappant lui-même et se retournant contre le bonheur qu’il avait donné. Il fallait peindre le paradis de l’adultère, ce paradis qui est un enfer ; et, pour qu’on en comprît mieux la secrète horreur, les transes et les ignominies, il fallait choisir des créatures d’élection, l’une comme force et l’autre comme pureté, et les rouler dans cet enfer jusqu’à perte de conscience humaine, afin que ceux qui. rêvent à la poésie des amours illégitimes et des intimités qui tremblent sussent une fois pour toutes ce qui en est !!