Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/133

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bonheur est plus aisé à décrire que ses mystères, et d’ailleurs, l’inventaire de cette félicité n’est pas très-long. A la page 31 de ce livre, qui en a 248, Fanny a dit nous, et ce nous ne veut pas dire eux deux qui sont là sur ce canapé, mais un troisième, et c’est le mari !


IV

« Nous ne sortons jamais du mariage que pour y entrer », — a dit un adultère. C’est ce que madame Fanny va apprendre, mais nous pensons qu’elle aurait déjà dû s’en douter. Au point de vue de la vérité, cette femme de trente-cinq ans, qui n’a pas le droit de mener la vie de garçon, et qui la mène, n’a pas dû attendre la première jalousie de son amant en voyant son mari, pour savoir que le bonheur qu’elle s’était fait dans le désordre avait ses ombres, et pour n’avoir pas senti le regret de l’honneur trahi lui passer quelquefois sur le front. Preuve nouvelle de la vulgarité foncière de ce caractère ! Elle est tranquille, cette malheureuse !… et elle croit pouvoir l’être encore, quand elle a dit à son amant, en parlant de son mari, la phrase qui met le feu au drame : « Tu pourras facilement le lier avec nous. » Avant cette phrase, Fanny était adultère, et lui aussi, car il la savait mariée, quoiqu’ils n’en parlassent jamais : silence de complice ! Or, l’ordre a ses parodies jusque dans la fange. L’occasion avait vingt fois dû naître, pour elle, qui l’outrageait et qui l’oubliait,