Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/134

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de s’en réclamer, et les scènes que l’intervention du mari amène avaient dû être pressenties et gâter déjà leur bonheur.

Et c’est ici que la faute d’une histoire sans début s’aggrave encore. Si Fanny et son amant sont ce qu’ils paraissent, s’ils n’ont encore senti, avant l’arrivée du mari, aucun remords, aucune tristesse, aucun trouble, leurs douleurs et leurs jalousies, après l’arrivée du mari dans le drame, ne sont plus que vanité ou jalousies grossières, et le livre perd le caractère que l’auteur a voulu lui donner. Et c’est presque dommage, car la situation est bien traitée. On est emporté par cette tragédie tête-à-tête dans laquelle l’adultère, s’il n’est pas jugé autrement, est au moins jugé par ses fruits.

Rendons justice à M. Feydeau. Il les a bien ramassés, il les a bien ouverts tout grands, ces fruits cruels, ces fruits funestes, pour qu’on vît mieux l’immonde poussière qui emplit la bouche qui y mord… C’est là le mérite de ce livre d’une immoralité inconsciente, ou Dieu elle devoir n’apparaissent une seule fois dans la pensée de personne, et qui, par là, n’est plus qu’un daguerréotype, l’exact daguerréotype, peut-être, de la triste société de l’auteur, Maîtrisé par son sujet beaucoup plus qu’il ne le maîtrise, l’auteur de Fanny a de la force et beaucoup de talent quand il est dans son sujet, mais il n’en a point quand il faudrait être au-dessus. Or, il est pleinement dans son sujet, et n’a jamais plus de puissance que quand il nous peint, non plus les meubles de Boule et les fauteuils capitonnés de l’intimité, mais cet affreux tu à toi de l’adultère où, de douleur en douleur,