Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/169

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démocratie, et qui ferait le tour du monde, comme le drapeau de la Révolution, si la Critique, qui ne veut pas que les grandes notions littéraires périssent, ne lui barrait pas le chemin !


II


Cette espèce de roman, du reste, ce n’est pas M. Féval qui l’a inventée. Il existait bien avant lui et avant le dix-neuvième siècle. Le roman d’aventure est dans les conceptions de l’esprit humain comme le roman complet, le roman d’observation supérieure, car il y a dans l’esprit humain des choses petites à côté des choses grandes, et même il y en a beaucoup plus… Si je ne reconnaissais à M. Paul Féval une valeur native, si je ne retrouvais pas dans ses livres les rayons brisés d’un talent de romancier très-au-dessus de son emploi, je croirais qu’il a cédé à son instinct en écrivant le roman d’aventure et qu’il est exactement de niveau avec son inspiration ; mais il est impossible de conclure ainsi quand on a lu M. Paul Féval. Il le sait mieux que moi, sans doute, mais moi, je parierais avec assurance que c’est un événement extérieur d’une forte action sur sa pensée qui a poussé dès l’origine l’esprit de M. Féval vers la forme du roman qu’il a adoptée et faussé ainsi sa vraie vocation. Peut-être est-ce le succès d’un livre dont il fut témoin à l’âge où le succès déprave ; peut-être encore quelque préjugé traditionnel comme il en reste parfois debout dans les esprits les plus puissants.