Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/270

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saignante, c’est assurément le meilleur livre de M. Paul de Musset. Son frère lui a porté bonheur, — un triste bonheur ! car, nous l’avons dit, tout cela est triste que de pareilles publications ! L’esprit qui emporte la pièce par le mordant de l’expression marque profondément de son caractère ce livre qu’on trouvera cruel.

Mme Sand, fille en tout de Rousseau, ne reconnaît pas cet esprit-là qu’elle va subir. Elle a le talent facile, abondant, et cette simplicité coulante qui charme le bourgeois chez Rousseau ; mais l’esprit, l’esprit qu’avait Mme de Staël toujours, Mme de Girardin quelquefois, elle ne l’a jamais. Il y a une étude à faire sur le talent, selon nous beaucoup trop vanté, de Mme George Sand, à qui tout a réussi insolemment comme à une femme, dans ce pays de la galanterie française, et un jour nous la ferons complète. On y verra que, pour manquer d’esprit, on ne remplit pas toutes les conditions du génie.

Aujourd’hui, l’auteur d’Elle et Lui est seule en cause, quoiqu’elle n’y soit pas différente de la Mme Sand que nous connaissons. Eh bien ! même comme talent, son livre, à cette célèbre femme, est très-au-dessous de celui de M. Paul de Musset.

A qui la faute ? Serait-ce au sujet, serait-ce à l’auteur ? Dans tous les cas, elle est punie d’avoir touché — fût-ce d’une main plus désintéressée qu’on ne croit, — à un sujet dont elle eût dû se détourner… avec convenance. La chose est grave, il faut insister. Si le nouveau roman de Mme George Sand est une étude, purement et simplement de nature et de passion humaine, comme les romanciers ont l’habitude