Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/283

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ont vanté, comme s’il allait reculer les limites du conte bouffe ou du conte fantastique ; mais l’enthousiasme de ces gens-là déposait encore plus de l’ingénuité de leur ignorance que de leur sensation, car il n’est pas douteux que si M. Chatrian avait pu naître avant qu’Hoffmann ou Edgar Poe ne l’eussent précédé, il aurait fait une bonne partie de tout l’effet qu’il ne fait pas. Mais là précisément est l’achoppement et l’enclouure. Comme M. Hector Malot et comme bien d’autres des réverbérateurs actuels, M. Chatrian n’a pas de plus grands ennemis de son livre que les souvenirs éveillés par son livre, et c’est la réminiscence qui le fait vivre qui le fait mourir !

Le livre qu’il publie aujourd’hui ne porte pas ce nom de L’Illustre Docteur Mathéus pour marquer un ensemble commun de récits, reliés sous une idée qui les embrasse dans un but unitaire de composition, mais tout simplement L’illustre Docteur Mathéus est la plus grosse pièce du recueil. Le Docteur Mathéus, vrai comme une grimace, mais n’ayant pas plus de profondeur qu’une grimace, est un Don Quichotte philosophique suivi de son Sancho qui s’en va prêchant la métempsychose, comme Don Quichotte s’en allait en guerre, et qui revient à la maison couvert de horions partout attrapés.

C’est bon et pas allemand du tout de se moquer de la métempsychose, qui est la philosophie la plus bête des philosophies bêtes, et la collection en est nombreuse ! Mais si le Don Quichotte, malgré le génie de Cervantès et les épisodes qui sont la plus belle partie de son livre, est un livre monotone, d’une gaieté de muletiers, ayant toujours le même goût d’ail et de proverbe,