Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/320

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qui l’ouvrent bien plus que la création de l’écrivain qui en fait l’immoralité et la contagion…

Or, s’il en était ainsi pour M. Gautier dans un sujet comme Mademoiselle de Maupin, je demande ce qu’il devait en être dans un sujet de roman d’une réalité plus saine, et où il ne s’agirait que de sentiments naturels ? Pas de doute que M. Gautier n’y fût juste ce qu’il a été dans son roman d’aujourd’hui du Capitaine Fracasse, c’est-à-dire un faiseur d’images inanimées, quoiqu’elles parlent et se remuent, et qui passent devant nous sans nous intéresser ni nous plaire, à travers un style que ses amis peuvent appeler un tour de force ou de souplesse, mais que je hais comme un parti pris. M. Théophile Gautier, à qui ces sortes de travestissements sont faciles (rappelez-vous la préface de Mademoiselle de Maupin), a voulu, non pour la première fois, mettre en masque ce qu’il a de mieux, ce qui fait sa personnalité littéraire, c’est-à-dire son style, et il a déplorablement réussi. Écrivant un roman dont l’action se passe au dix-septième siècle, il a mimé la langue du dix-septième siècle, qui ne vaut pas d’ailleurs celle du seizième, qu’il avait si bien reproduite dans sa préface de Mademoiselle de Maupin ; — c’est comme si Walter Scott, en écrivant Kenilworth, avait parlé la langue du temps d’Elisabeth ! Je ne vois pas ce que Kenilworth y aurait gagné ! — et il a eu un style qui, en définitive, n’a pas été plus à lui que ses personnages, décalqués, tous, de quelque souvenir.

En d’autres termes, de toutes les façons, M. Théophile Gautier a manqué la vie ! Il n’a été que le copiste d’œuvres passées dont il a cherché à reproduire le ton