Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/319

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siècle, que M. Théophile Gautier a imités dans ce roman sans vie et sans passion réelle, — monument d’archaïsme, dont l’idée ne pouvait venir qu’à un littérateur de décadence, très-habile, si l’on veut, et très-rompu aux choses du langage, mais dépourvu entièrement d’invention puissante et de toute originalité !


II.

Et il ne pouvait pas en être autrement, du reste. Excepté en poésie, où il sent et pense pour son propre compte, M. Théophile Gautier, l’ornemaniste avant tout, le descriptif qui a tout décrit et qui semble trouver que le détail matériel n’est jamais assez montré, assez accusé dans les choses, très-capable, comme il l’a quelquefois prouvé, d’écrire un conte fantastique, parce que dans ce genre-là on se permet tout, M. Théophile Gautier n’est pas doué des dons énormes du romancier ou du poëte dramatique. Il n’a ni la conception profonde et variée des caractères, ni l’intuition des situations, ni la puissance de la passion et de la vie. Même dans cette fameuse et coupable Mademoiselle de Maupin, ce sujet flétrissant, que l’auteur n’a peut-être abordé dans sa jeunesse que par amour de la difficulté vaincue, l’indécence, froide et maniérée sous le relief et le luxe des mots, manque de la vraie chaleur de la vie, et le danger d’un pareil livre vient bien moins de ce qu’on le lit que de ce qu’on le prend pour le lire. C’est la disposition des âmes