Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/53

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et l’Histoire littéraire a magnifiquement enguirlandé la niche d’homme célèbre où il perche sur un piédestal. Pour M. Brucker, c’est autre chose, il n’a encore qu’une célébrité contestée, et il faut l’avoir touché dans la vie littéraire pour savoir quelle flamme peut tout à coup jaillir de cette nature de naphte, de ce volcan intellectuel. Il faut savoir à fond l’histoire, très-peu connue, de la littérature française au dix-neuvième siècle, pour apprécier les facultés de ce Diderot obscur qui a fait des livres qu’on lira un jour, en s’étonnant de ne pas les avoir lus plus tôt, et qui a fait des hommes, lesquels ont la discrétion de leur naissance et qui ne se vantent guère d’avoir été allumés par lui, comme des flambeaux. A propos du Maçon, retouché par cet esprit que la religion a retouché aussi jusque dans le fond et le tréfond de son être, il est peut-être curieux et piquant d’esquisser à traits pressés une vie singulière, que les Mémoires du dix-neuvième siècle ne donneront pas, et qu’en bonne conscience l’Histoire littéraire de cette époque ne pourrait décemment oublier.


II

M. Raymond Brucker est né quelques années avant le siècle. Nous avons dit comment il fut élevé. En 1827, il était simple ouvrier éventailliste, dans le faubourg du Temple, quand le Figaro fut fondé ; un journal digne