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Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/58

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et jusqu’en 1836, les travaux de M. Brucker curent l’intermittence de la fièvre. Il publia une épître de Jeux mille vers, adressée à M. Raspail ; et de son parti, quoique n’y croyant pas, car on ne se débarrasse que bien tard du dernier anneau de sa chaîne, de celui-là qui nous meurtrit longtemps encore lorsque les autres ne nous pèsent plus, il fit circuler manuscrite une œuvre qui ne pouvait pas être imprimée, le fameux Testament d’Alibaud, qui ramena le plus de socialistes à la cause républicaine et le plus de républicains à la cause socialiste ; grand coup de ralliement bien frappé ! Depuis, en 1848, il publia ce terrible Testament, avec une préface expiatoire. Il y raconte (sans les nommer) que MM. Cabet et Marrast, réfugiés à Londres, empêchèrent l’impression anglaise, en déclarant le manuscrit apocryphe ; aimant mieux sacrifier l’œuvre, qui aurait tant servi à l’union de leurs deux partis, que de s’exposer aux vérités qu’elle renfermait.

Enfin 1836 arriva. 1836, c’est la date de la conversion de M. Brucker, c’est le moment béni où la Grâce, comme nous disons, nous autres chrétiens, s’empara de cet esprit rebelle, las des fausses théories et des menteuses lumières sous lesquelles il se débattait. Elle l’atteignit d’abord dans sa raison. Avant de tomber jusqu’au fond de l’abîme de sa vie, le rayon divin lui en dora les sommets. M. Raymond Brucker vint à la Foi catholique comme l’enfant vient à l’existence, la tête la première. Il y vint du sein du Fouriérisme dont l’apparente grandeur logique et la mystérieuse force de combinaison l’avaient attiré et retenu. Il faudrait l’entendre lui-même raconter par quelle série de