Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/59

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propositions renversées, il arriva des prémisses de la jouissance à la conclusion du sacrifice et construisit ainsi le syllogisme de sa foi : mais contentons-nous des faits seuls. Si la religion de Jésus-Christ fait explosion dans les âmes les plus douces el les plus inertes, quand elle y glisse seulement une goutte de sa puissante lumière, que dut-elle produire dans l’âme de M. Brucker, dans la fournaise de ce cerveau qui avait brûlé comme une paille sèche tant de philosophies et de systèmes ! Elle l’incendia de vérité. Dévoré d’une fièvre apostolique (je demande pardon pour la hardiesse du mot), il se servit, dans l’intérêt de sa foi nouvelle, de ce merveilleux don de parole improvisée qui est sa vraie force, sa plus incontestable supériorité. Pendant sept ans, toutes les semaines, il fit un cours de catholicisme à l’Athénée, à propos de toutes les questions philosophiques, politiques, sociales. C’est là qu’il fut réellement le Diderot chrétien, comme nous nous obstinons à l’appeler. Verve, éclat, mouvement, brusqueries d’aperçus, crâneries d’expressions toujours heureuses, magnificences de développements et d’horizons, superbes insolences de gladiateur, immense plaisanterie qui couvrait tous les persiflages, qui bernait dans la peau de lion d’Hercule les Pygmées de l’ironie voltairienne, il exposa dans tous les sens à la lumière des questions contemporaines et pour en varier les feux et les nuances, tous les joyaux d’un des plus étincelants écrins oratoires qui furent jamais. Ceux-là, même ses ennemis, qui ont assisté, ne fût-ce qu’un jour, à cet enseignement de sept années, ne peuvent l’oublier. Envoyé à Nancy, il y fonda l’Espérance, revint à