Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/60

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Paris, et, comme tous les esprits de grande origine que le sentiment de l’unité tourmente et chez qui l’inconséquence entre la pensée et la vie ne saurait durer, il y revint chrétien pratique de chrétien spéculatif qu’il avait été jusque-là. Alors, au lieu d’avoir des aspirations, il eut un but. Il entra dans l’action catholique. Il fonda, à la suite de M. l’abbé Massart et de M. l’abbé Cross, l’œuvre de Saint-François-Xavier, mettant ses pieds dans la trace des pieds de ces hommes bénis et n’aspirant là, comme partout, selon son expression humble et pittoresque, qu’à n’être rien de plus qu’une marionnette intelligente aux mains du clergé. L’originalité de ses talents lui fit une position exceptionnelle, inconnue avant lui. Il eut le droit, tout laïque qu’il fût, de prêcher dans les églises et il devint l’O’Connell des ouvriers catholiques dans un pays plus heureux que l’Irlande ; un O’Connell sans les mille échos de la persécution et de la gloire, qui rapportaient à Daniel sa voix agrandie, mais un O’Connell par le genre de talent, par la manière, par cette éloquence familière et pathétique, sublime et triviale à dessein, comme l’est un drame de Shakespeare. Incorrigiblement littéraire à travers ses travaux de parole, il publiait les Docteurs du jour, un livre qui eut un grand succès de jeunes gens et de séminaire et devant lequel la presse eut l’injustice ou la petite rouerie, si connue, du silence. Vieilli, mais jeune comme une âme qui se sent immortelle, avec les mille tendances de ce Diderot à qui nous l’avons comparé, M. Raymond Brucker a eu la pensée d’aborder le théâtre. Il a voulu, — cette chose chimérique, — y faire asseoir la morale chrétienne une bonne