Page:Barbey d’Aurevilly - Lettres à Trébutien, I, 1908.djvu/24

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Samedy soir, au jour tombant.


Vous aurez encore une lettre de moi, mon cher et doux Mélanchton. J’espérais, comme je vous l’avais mandé, je crois, partir mardi, pour vous revenir, et voici que je ne puis. Des affaires me retiendront ici jusqu’à dimanche, mais le lundi matin je pars : ainsi, mon ami, encore huit jours. La patience est la vertu des forts, mais est-ce la vertu de ceux qui aiment ?

Je suis bien aise, mon cher Trebutien, que vous soyez allé chez madame Tastu : vous m’avez sacrifié une bonne partie de vous-même, c’est-à-dire cette paresse qui fait de vous un être si insupportable et si aimable à la fois. Savez-vous que j’aime cet éternel détendu de votre âme, cette incorrigible attente de la vie qui s’en va, cette insouciance d’agir pour toutes choses ? Je l’aime, c’est là votre trait, votre caractéristique, quoique j’en sois inquiet souvent, puisque la destinée vous a refusé de pouvoir vous abandonner à ces pentes oublieuses. Mais je suis bien aise de votre visite à madame Tastu.

Je ne vous remercie pas de tout ce que vous avez dit de moi. Vous m’êtes une beaucoup trop solennelle préface et je crains d’être bien au-dessous. Tout ce que je peux vous promettre, c’est de ne pas vous jouer le mauvais tour de Richomme. Je présume que c’est quelque bévue venant de son inhabitude du monde.

Savez-vous que vous avez le don de seconde vue, Trebutien ? Vous aviez dit : au moins le mois, et pour que votre moins reste dans toute sa justesse, j’aurai passé quelques jours de plus. Vous êtes vraiment un habile garçon. Mais aussi c’est que les almanachs les plus faciles à faire