Page:Barbey d’Aurevilly - Lettres à Trébutien, I, 1908.djvu/30

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Caen, 18 août 1835.


Je n’entends guères parler de vous, mon cher Trebutien, Mauvais signe. Si mon livre avait été vendu, vous me l’auriez mandé, à coup sûr. Ces jours derniers (vous l’avez su sans doute) j’ai écrit à Guérin et je lui disais que vous retirassiez des pattes de Levavasseur ma pauvre Germaine, trop humiliée puisque vous aviez lieu de croire que le marché ne se conclurait pas. Je ne veux pas endurer plus longtemps les critiques de ces marchands de papier noirci ! C’est prendre ou laisser, ou qu’ils aillent à tous les diables ! Je ne suis pas d’humeur à répondre à leurs imbéciles observations sur la teneur du livre en question. Vous qui êtes si beau d’insolence par moments, mon cher ami, lâchez deux ou trois bordées à l’infâme cuistre qui critique au lieu d’acheter et reprenez le manuscrit. Voyez votre Mansy ; informez-vous. Je ne doute pas de votre zèle : l’affaire manquée avec Levavasseur, il faut la conclure avec un autre. Colères et déboires, j’avalerai tout, mais il faut que le livre soit vendu. C’est l’important.

Je compte bientôt vous revoir et pousser de toutes mes forces à cette roue qui ne veut pas marcher. J’ai écrit à Gaudin pour lui dire à quel point j’avais besoin de retourner à Paris et j’attends chaque jour une réponse. S’il me délie, comme je l’espère, de ma promesse d’aller au Boisferrand, je vous serrerai la main dans le commencement de la semaine prochaine. Je le désire de toute mon âme agitée et ennuyée. Chose inouïe ! la vie des passions n’exclut pas pour moi l’ennui, un ennui amer et poignant. Mon frère est parti,