Page:Barbey d’Aurevilly - Lettres à Trébutien, I, 1908.djvu/35

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quels contacts, maculée de timbres, après avoir sillonné le Nivernais dans tous les sens. Malgré mon mécontentement, voyez-la, je vous prie (madame Kling), ou faites-lui dire par Guérin que je la prie de m’envelopper et de m’adresser mon manteau. Je l’ai oublié, les nuits sont froides maintenant et je serai bien aise de l’avoir, ne fût-ce que pour mes pieds, en diligence.

Que vous manderai-je d’ici ? Ah ! une bonne histoire dont le journal de Caen, crevé depuis quelques jours comme une rosse sur du fumier, aurait pu égayer son agonie. Il y avait à l’Hôpital une religieuse nommée madame de Saint-Pierre (saint Pierre avait renié son maître), femme d’une piété exemplaire et jouissant dans la communauté d’une considération méritée. Elle avait quarante ans, cet âge terrible pour les organisations fortes et ardentes. Les amants fuient et l’hystérie vient : c’est une mauvaise heure dans la vie d’une femme qui ne fut jamais lymphatique. Eh bien, cette madame de Saint-Pierre a décampé avec un jeune belge qu’elle avait soigné de la vérole, traitement corrupteur ! Je vous laisse à penser quel scandale ! Le docteur Faucon qui n’est pas un aigle (connaissez-vous ce benêt-là ?) la rencontra le matin dans la rue, jolie encore comme un démon sans son béguin et sans sa guimpe, corsetée, ficelée, attifée et faisant beau cul et belle taille comme si toute sa vie elle avait marché dans des brodequins puce. Le Faucon, qui est médecin de l’Hôpital, crut qu’il rêvait, se frotta les yeux et fit oh ! oh ! comme Petit-Jean, puis s’en alla tout raconter à la supérieure, mais déjà l’on savait l’escapade. Le jupon noir avait été trouvé pendu à un vieux rosier du jardin ; c’étaient des adieux assez positifs. Il paraît que le couple sacrilège s’est embarqué pour l’Angleterre où il aura l’impiété d’être heureux.

Je ne sais que cela à vous dire et le mariage de B. qui a épousé sa cousine, la femme d’un conventionnel, un vieux