Page:Barbey d’Aurevilly - Lettres à Trébutien, I, 1908.djvu/34

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au blanchissage de mon linge. Cependant, comme ma vie de bohémien reçoit l’influence de tous les souffles qui viennent des quatre points cardinaux, je n’oserais trop vous marquer le jour de mon arrivée. Vous le saurez à temps pour venir passer la soirée chez moi et je vous lirai Amaïdée, Amaïdée achevée et peut-être belle (Guérin et vous, vous me le direz, mes chers amis), et que je voudrais voir paraître dans la Revue des Deux-Mondes. Ne serait-ce pas un moyen de hâter la publication de cette triplement indolente Germaine, qui repose ses langueurs chez vous ? Tout au moins Amaïdée, fatras pour fatras, vaut ce qu’on fourre dans la Revue, que ce soit de n’importe qui. — On m’a parlé de Roret pour Germaine. C’est lui, m’a-t-on dit, qui a édité Indiana. Je le verrai après Allardin. Prenez toujours des renseignements, mon cher ami, mais attendez-moi ou prévenez-moi. — Oh ! monsieur, je vous crois comme mon propre père, et même beaucoup mieux.

J’ai vu Avranches dans mes excursions ; le poète Scudo avait diablement idéalisé le tableau, si vous vous le rappelez. Cet homme était le père de dix mensonges à chaque parole ! Avranches est abominablement laid, mal pavé, sale, bâti par groupe et non en alignement. Il y a un beau point de vue. Sans compter quelques femmes qui ne sont pas trop mal. Mais je n’ai remarqué qu’un profil juif, appartenant à une fille d’Israël et de la comtesse de Girardin. Remarqué, c’est beaucoup ; vous connaissez la difficulté de mes admirations.

Parlez de moi à Guérin et montrez-lui cette lettre, s’il est de retour. Qu’il gronde madame Kling en attendant que je la gronde, ce dont je m’acquitterai avec l’exubérance de mauvaise humeur que sa conduite a amassée en moi. La subtile personne a mis sur la dernière lettre écrite à Guérin une adresse qui n’était pas la sienne, de sorte que ma lettre m’est revenue décachetée, souillée de je ne sais