Page:Barbey d’Aurevilly - Poussières.djvu/20

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Confondant tous les deux dans une même gloire,
L’un pour mieux l’admirer, l’autre pour mieux y croire !

Or, comme il passait là, magnifique et puissant,
Et calme, et grave et lent, le radieux passant
Entendit dans le creux d’un ravin solitaire
Une voix qui semblait, triste, sortir de terre :
Et c’était, étendu sur le sol, un lépreux,
Une immondice humaine, un monstre, un être affreux,
Dont l’aspect fit lever tout droit dans la poussière
Les deux pieds du cheval se dressant en arrière,
Comme s’il eût compris que les fers de ses pieds
S’ils touchaient à cet être en resteraient souillés,
Et qu’il ne pourrait plus en essuyer la fange !

Cependant le héros, dans sa splendeur d’Archange,
Inclinant son panache éclatant, aperçut
Ce hideux malandrin, sale et vil, le rebut
Du monde ; — il lui tendit noblement son aumône
Du haut de son cheval cabré, comme d’un trône,
À ce lépreux impur, contagieux maudit,
Qui la lui demandait au nom de Jésus-Christ.
C’est alors qu’on put voir une chose touchante :
Allongeant vers le Cid sa main pulvérulente,