Page:Barbey d’Aurevilly - Poussières.djvu/36

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Irrésistible appel, ranz des vaches pour l’âme
Qui cherche son pays perdu ― dans l’avenir ;
C’est fier comme un clairon, doux comme un chant de femme.
Voilà pourquoi je veux partir !

C’est que toi, pauvre enfant et si jeune et si belle,
Qui vivais près de nous et couchais sur nos cœurs,
Tu n’as pas su dompter cette force rebelle
Qui nous jeta vers toi, pour nous pousser ailleurs !
Tu n’as plus de mystère au fond de ton sourire,
Nous le connaissons trop pour jamais revenir ;
La chaîne des baisers se rompt, ― l’amour expire…
Voilà pourquoi je veux partir !

En vain tout en pleurant, la femme qui nous aime
Viendrait à notre épaule agrafer nos manteaux,
Nous resterions glacés à cet instant suprême :
À trop couler pour nous des pleurs ne sont plus beaux.
Nous n’entendrions plus cette voix qui répète :
« Oh ! pourquoi voyager ? » dans un tendre soupir,
Et nous dirions adieu sans retourner la tête.
Voilà pourquoi je veux partir !