Page:Barbey d’Aurevilly - Premier Memorandum, 1900.djvu/64

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de Th. Sorti avant-hier avec lui pour la première fois. — souffrant et triste. — hier mieux, et même tout à fait bien. — sommes allés à Lucque (Luc) au bord de la mer. — nous étions six. — promené longtemps sur les grèves. — le temps était de la plus éblouissante pureté. — mes nerfs se sont retrempés à ce souffle marin, plein de sels pénétrants, qui nous frappait la figure alors que nous fendions l'espace, en tilbury découvert lancé au galop. — la mer était d'une sérénité charmante, bleu pâle, sans vagues, sans frange d'écume au bord, se divisant par lames légèrement soulevées. — je l'ai vue rarement aussi calme. — deux voiles filaient à l'horizon, sous le soleil, gracieux triangle de lin. — l'air, ce spectacle, l'immense étendue de la côte, le bruit du flux, tous ces accidents bien-aimés m'ont causé l'impression la plus vive, une de ces impressions que la nature nous donne et que les beaux-arts sont impuissants à produire... si ce n'est pourtant une musique forte comme, par exemple, l'entrée de clairons dans l'ouverture de Guillaume Tell. -bu l'eau salée dans le creux de ma main comme une libation de reconnaissance après tout ce temps passé en exil de l'océan, père des choses, et de ses rivages .

Dîné. — un fougueux repas de garçons, avec accompagnement de vins et d'alcools. Bu prodigieusement