Page:Barbey d’Aurevilly - Rhythmes oubliés, 1897.djvu/46

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ronne blanche et rouge de l’humaine Beauté. Sur ces traits obscurcis s’étendait lourdement l’affreuse couleur des pédantes. On eût dit qu’en toute sa personne, il n’y avait plus qu’une seule place qui ne fût de ce bleu ridicule et hideux. Et c’était la place de son cœur, — de son cœur noir comme un ulcère, — de son cœur qui n’avait jamais été assez vivant pour porter, même un jour, l’éphémère bleu d’une meurtrissure !

V

Mais le bas-bleu, fier de son azur, l’étalait avec l’orgueil d’une Muse. Elle était de race pédantesque. Son sang bleu — comme disent les Espagnols en parlant de la pureté Gothe — n’était guères que de l’encre, — mais de l’encre double et bien faite, de celle-là qu’on appelle la petite vertu. Son père, qui passait pour savant dans sa petite ville de province, l’avait (disait-on) fouaillée dans son enfance pour trouver du goût à Hegel et lire Kant dans son jargon barbare. À force de coups sagement distribués, elle était devenue philosophe. Elle mâchait l’impiété et les idées allemandes comme les Javanaises le bétel.