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THÉATRE CONTEMPORAIN

fierté de la duchesse de Sully (la femme majestueuse du grand Sully), qui se souciait peu que son mari eût des maîtresses, et, du haut de sa dignité de matrone, ne faisait pas l’honneur d’être jalouse à ces femmes-là.

Les femmes de ce temps-ci, pour qui on fait des comédies, sont très peu duchesses de Sully dans leur manière de sentir, et elles tiennent pour la plupart, — ne fût-ce même que par vanité, — à être aimées de l’homme qu’elles épousent. Or, l’homme qu’elles épousent a très souvent galvaudé son cœur dans une foule de liaisons avant de les connaître, et est entré dans la vie conjugale ayant dans sa valise tout un paquet de souvenirs et de comparaisons. Peut-être même, un jour de celte vie conjugale qui commence, rouvrira-t-il ce diable de paquet pour y mettre encore, et c’est là ce que l’héroïne de la pièce, , de MM. Ganderax et Krantz veut à toute force empêcher. Elle sait, par sa propre expérience, que les vieilles maîtresses de leurs, maris sont la plus longue rêverie des femmes, et elle s’est dit que si ces vieilles maîtresses sont redoutables encore, elle peut bien, parbleu 1 (car elle dit : parbleu 1), elle qui est jeune et charmante, devenir la maîtresse de son mari comme elle en est la femme, et celte tête brûlée de cœur brûlé, qui aime son mari, et à qui son père, vieux soldat, a donné le nom de Fanfare, qu’elle porto comme un pompon sur son oreille,