Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/224

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— Oh ! si ! comme un frère ! — répondit-elle avec la ferveur d’un cœur jeune et sincère, et sans baisser ses yeux, profonds et vrais.

— Mais moi, dit Néel, ce n’est plus, depuis bien longtemps, seulement comme un frère que je vous aime !…

Et, ce cri poussé, il s’arrêta… comme l’homme qui frappe s’arrête au premier sang qu’il a fait jaillir ! Il avait fait jaillir celui de la pudeur jusque dans ces joues pâles et changeantes, jusque sous ce bandeau écarlate, moins rouge que ce qu’on voyait de ce front ! Au dernier mot de Néel, Calixte, — soudainement et sans transition, — s’était comme illuminée de rougeur !

Du pied de ses cheveux blonds relevés jusqu’aux attaches de son cou, ce n’était partout qu’une nuance céleste ; — elle était devenue aurore ! Et ce fut si beau et si rapide, cette incandescence d’un sang vierge, que Néel se crut aimé, comme il voulait l’être, à l’éclat sublime de ce trouble ! Il ne savait pas que dans certaines âmes la pudeur a des physionomies encore plus divines que l’amour.

Rose mystique qui allait saigner sous un souffle, au lieu de s’épanouir, elle était tellement belle, — et tellement sainte, dans sa beauté troublée, qu’il tomba à genoux devant elle… comme ceux qui ont la foi tomberaient devant Dieu.