Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/294

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gantée et libre un baiser d’amoureux éperdu à ces quatre murs blancs qui renfermaient la bien-aimée pour laquelle il allait peut-être mourir. Le briska volait dans la poussière. Les paysans qui allaient aux champs se rangeaient sur le bord du chemin et sentaient le vent chaud de ses roues, quand il passait de ce train rapide.

« C’est monsieur Néel, disaient-ils, qui s’en va de cette fois à sa noce, car il est beau comme un bruman[1]. » Il avait mis ses habits de fête, ce costume que dans son tableau de Corinne le génie de Gérard a consacré en le donnant à lord Nevil. Gracieusement assis dans la conque de cette voiture découverte, son manteau flottant derrière lui dans l’air du matin, il rappelait, par la beauté correcte de son visage et le calme plein de sécurité et de puissance de son attitude, ces coureurs olympiques, aimés de la peinture d’alors, et il semblait s’élancer avec l’enthousiasme de la jeunesse et de l’amour vers toutes les couronnes de la vie ! Un poète qui l’aurait rencontré eût pensé à une ode de Pindare.

Sous sa main qui lâchait de plus en plus les rênes, en les secouant, les chevaux eurent bientôt dépassé le Lude et dévoré l’espace qui sépare Néhou du bourg de S… Il y entra par

  1. Bruman, — fiancé.