Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/310

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que l’idée de Néel brisé, abîmé, peut-être mourant.

Oui, cette idée qu’il allait passer, là, bien des jours, — on parlait de quarante, seulement sans se lever du lit où il gisait, — dans cette maison où il était bien trop allé, peut-être, la pensée que cette Calixte dont elle était jalouse déjà et qu’elle ne pouvait s’empêcher de trouver si belle et si touchante pourrait soigner son fiancé, à elle, et que n’étant que sa fiancée, elle ne pourrait disputer ce bonheur à une étrangère, la mordait au cœur, sous son châle bleu qu’elle tenait croisé dans ses mains crispées, silencieuse au fond du char à bancs pendant que les deux vieillards parlaient de la chute de celui qu’ils appelaient également leur fils.

Ces vieillards, qui étaient deux soldats et qui avaient vu sur les champs de bataille de bien autres blessures que celles de Néel, étaient calmes, malgré leur tristesse. Mais, quand ils entrèrent dans ce salon où Néel était étendu, l’œil plein de feu, la bouche souriante, malgré ses douleurs, parce qu’il avait près de lui son dictame vivant, sa Calixte, ils retrouvèrent la gaieté et la plaisanterie d’hommes forts qui n’ont pas élevé dans du coton leur progéniture et qui aiment les périls, gaillardement bravés.

— Diable ! chevalier, — dit le vicomte, que l’air de son fils électrisa, — tu vas bien, — un