Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/50

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Jusque-là tout était bien ; mais que ne devint pas le prêtre, quand, en causant avec cette fille si avancée sur toutes les choses de la pensée, il s’aperçut que, sur les choses religieuses, elle était d’une ignorance de sauvage ? Oh ! alors le saint courroux du serviteur de Dieu déborda. Il s’expliqua cette ignorance. Il savait l’histoire de l’abbé Sombreval, et si ce jour-là, par une délicatesse qui prenait sa source dans les motifs les plus élevés, il ne la dit pas à Calixte, il ne lui cacha pas néanmoins qu’une science orgueilleuse avait faussé l’esprit de son père. Il lui montra à quels périls ce père incrédule l’avait exposée, elle ! et, prévoyant quel vase d’élection pourrait devenir un jour cette jeune fille dans laquelle il reconnaissait une âme supérieure à celle de sa mère, il travailla, selon sa belle expression sacerdotale, à « replacer le Seigneur dans un de ses plus blancs tabernacles ».

Ce ne lui fut pas difficile : Calixte était prédisposée à la foi, et sa tête conformée pour croire tout aussi bien que pour comprendre. L’enseignement de l’abbé Hugon produisit sur elle l’effet de la lumière sur un gaz. Il fit explosion, — et du même coup il éclaira et enflamma cette âme qui fermentait et souffrait peut-être dans les facultés religieuses que son père avait jugées dangereuses et inutiles, et