Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/62

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ment là, à cette heure de vesprée tardive, et le reconnût après vingt ans qu’elle ne l’avait vu, comme il longeait ainsi les haies et se coulait dans l’ombre, c’était plus qu’étonnant, en vérité !

— Oh ! il n’y a qu’elle qui puisse me reconnaître, — fit-il tout haut, en plongeant de ses yeux fauves, dont l’âge n’avait diminué ni l’ardeur ni la portée, du côté de ce tertre qu’il ne s’était pas soucié de regarder.

— Et il n’y a, — dit la voix, — que Jean Sombreval, l’ancien prêtre, qui puisse passer la tête couverte devant la croix du Sauveur des hommes, sans y prendre plus garde que la bête qui passe, en paissant !

Et Sombreval vit alors au pied de la croix de bois et sur les tronçons du carreau renversé, qui avaient été la croix de pierre, une forme humaine, — une femme assise dont on ne distinguait alors ni vêtements ni le visage, tant il commençait de faire noir !

— Tu n’as pas menti, la Malgaigne, — dit Jean Sombreval, — car tu ne peux être que la Malgaigne, toi qui viens de parler et qui sais si bien qui je suis et où je vais à cette heure. Oui, c’est moi ! Jean Sombreval, qui passe et qui vas au Quesnay, à cette terre dont ne voulait personne et qui m’appartient, de ce soir !

— Vrai ! l’as-tu enfin ? Est-ce fini ?… dit-elle,