Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/63

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comme si une anxiété, pleine d’impatience, l’avait dévorée depuis bien longtemps.

— Oui, c’est fini ! dit Sombreval. La chose a eu lieu comme tu l’avais vue, la Malgaigne !

— C’est à faire trembler, interrompit la femme. Toute ma vie, j’ai espéré que je m’étais trompée et que le démon s’était joué de nous deux… Mais c’est Dieu plutôt qui va se jouer de nous d’une manière terrible… Toi, le maître du Quesnay, Sombreval !

— Aussi réellement que tu l’as vu sous le porche de l’église de Taillepied, le jour que le tonnerre tomba sur la tour — dit Sombreval. — J’ai passé ma vie à me moquer de cela et à y penser. C’est une chose étrange ! La pensée en a toujours été plus forte en moi que la moquerie. À force d’y penser, sans doute, j’ai fini par faire ce que tu avais prédit, la Malgaigne. J’ai acheté le Quesnay, moi, Jean Gourgue Sombreval, le paysan, la veste rousse, qui ai tant de fois rôdé, pieds nus dans la crotte, au bord de son étang, pendant mon enfance, et qui ai tant rêvé la vie des maîtres, en regardant ses murs !

— Il y a bien de ton ancien orgueil là-dedans…, dit la Malgaigne. Mais, si tu n’as pu faire autrement que d’acheter le Quesnay, au moins, n’y vis pas ! Ils disent que tu as un grand esprit et un grand savoir, quoique tu te