Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/65

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avait appelée la Malgaigne, et il s’en alla au Quesnay.

Voilà ce que racontait Jeanne Roussel. Mais, pour bien le comprendre, il faut dire aussi ce qu’elle ajoutait. Cette vieille femme, cette Malgaigne, rencontrée si singulièrement à la croix des Trois-Chemins par Jean Sombreval, était une ancienne fileuse, voisine du clos au père Sombreval, et qui l’avait aidé à élever son dernier enfant.

Le père Sombreval était un veuvier, comme on dit dans le pays. Perpétuellement à la charrue, il avait eu besoin d’une main de femme à la maison pour décrasser le visage de singe du petit Jean avec le bas de son tablier et peigner sa chevelure crépue.

La Malgaigne, qui fut cette main-là, n’avait jamais pu trouver dans les dix-sept paroisses dépendant du bourg de S… un garçon assez intrépidement dégourdi pour l’épouser soi-disant parce qu’elle était un brin sorcière. Telle était du moins l’opinion de plus d’une commère dans les fermes, — de la lande des Hériques au Gripois.

Quand Jean Sombreval attrapa ses quinze ans et fut mis en camérie au bourg de S… elle avait, elle, dépassé plus de la moitié de sa vie. Aux vacances, lorsqu’il revenait au clos, il ne manquait pas d’aller voisiner chez la Malgaigne :