Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/66

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mais, si elle aimait son espèce de nourrisson, elle ne se souciait ni des livres qu’il avait toujours à la main et dans les feuilles desquels il plongeait son vaste front pensif, ni des ambitions dont elle sentait la flamme couvant, à travers ce jeune homme, comme on sent à travers une cloison la chaleur d’une chambre qui serait en feu.

Cela devint même si fort, l’horreur dont elle se prit contre les livres et les études de Jean, que lui, qui alors étudiait presque malgré son père, crut longtemps que le vieux Sombreval induisait sournoisement la Malgaigne à le dégoûter de ses travaux.

C’était peut-être vrai, peut-être faux, que cette idée ! mais toujours est-il qu’elle se tuait à lui répéter sur tous les tons : « Tu travailles à ton malheur, Jean ! Tu maçonnes sur ton dos un édifice qui t’écrasera comme Samson, mais qui n’écrasera pas tes ennemis ! »

Or, un jour de certaine année, pendant les vacances, où elle s’était montrée plus acharnée que jamais contre les livres et les études de Jeanotin, comme elle l’appelait par mignonnerie, par manière de caresse, ils allèrent tous deux rôder du côté de Taillepied, qui n’était pas loin de leurs chaumières ; et toujours elle le harcelant à propos de ses livreries, et lui s’échauffant contre ses reproches, il s’impatienta