Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/18

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la vie que de sortir, par un effort, de cet infâme bonheur de croupir, que la vieillesse s’abattit sur elle comme un vautour, lui pluma son chignon, lui déjeta son cou, déjà troué par les écrouelles, et, la frappant aux reins coupables, lui courba, comme à une bête, la tête vers la fange… Seulement, en lui tordant le corps, la vieillesse, comme il arrive parfois, ne lui redressa pas l’âme, torse aussi, depuis bien longtemps, par le vice et par la misère.

Moralement la Gamase ne s’était pas amendée…

Nulle indignation de religion ou de vertu ne pouvait l’insurger contre Sombreval. Si elle le haïssait, Dieu seul qui voit le fond des âmes, savait pourquoi… Il y a peut-être des sentiments endémiques comme des maladies, et, quand ils s’emparent des âmes déjà décomposées, d’autant plus terriblement désorganisateurs.

À ce compte, Julie la Gamase aurait été l’expression la plus violemment putride de cette peste de haine furieuse dont Sombreval avait empoisonné la contrée. Comme une auge placée sous le larmier d’un toit, elle recevait toutes les averses de cette colère et de ce mépris qu’elle entendait rugir plus haut qu’elle ; et de même qu’elle ramassait, pour sustenter sa misérable vie, les choses les plus ordes, les os que les