Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/19

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chiens laissaient en tas devant les portes et les restes tombés des éviers, de même elle ramassait, dans ses rôderies et dans ses tournées, tous les mauvais bruits, tous les propos atroces ou infâmes tombés de toute bouche quand il s’agissait de Sombreval, et elle s’en faisait à froid, au-dedans d’elle, une colère lentement amassée qu’elle lui déchargeait en plein visage, quand elle le rencontrait par les routes, et dont elle le poursuivait jusqu’à ce qu’elle l’eût perdu de vue, quand il lui tournait les talons.

Mais aujourd’hui il ne pouvait pas fuir. Elle le tenait bien en face ! Elle le tenait entre la Malgaigne, appuyée et comme clouée à son arbre, et les deux beaux enfants, assis au revers du fossé. La haine a ses éclairs. Il ne pourrait lui échapper. Elle était sortie du buisson qui la cachait, se tortillant comme une vipère prise dans un nœud et qui ne peut se redresser, et elle envoya à Sombreval son regard oblique. Elle avait entendu l’apostrophe de la Malgaigne, et elle répéta, en le corrompant dans son patois sauvage, ce mot d’infanticide, auquel la Malgaigne attachait un sens qu’une autre qu’elle ne comprenait pas.

— Effanticide ! effanticide ! fit-elle. Ch’é-t-y pas comme ch’a qu’ils nommaient, en chaire, l’autre jour, le roi Hérode ?… Eh mais ! à qui qu’t’en as donc, la Malgaigne ?… Tiens ! ch’est