Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/79

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cette époque, passer que de jour… Quand donc le noir Pépé vint dire que les chevaux étaient prêts, Sombreval prit une dernière fois sa fille sur son cœur et la baisa saintement sur son front crucifié, dont il écarta lui-même le bandeau. La veille, — si vous vous le rappelez, — elle l’avait prié de l’embrasser là, mais elle n’eut pas besoin de le lui demander aujourd’hui.

— Voilà notre force à tous, — fit-il en montrant la formidable empreinte de cette croix si longtemps haïe, et qu’il embrassa encore, pendant qu’elle, Calixte, de son pieux visage, pressait cette poitrine où elle vivait seule et où elle avait rallumé l’étincelle divine, quand, — excepté l’amour de son père, — elle y croyait tout étouffé !

L’abbé Méautis, qui voyait Sombreval livide, ne put s’empêcher de lui dire, avec son angélique pitié, toujours présente :

— Allez, Monsieur, et que Dieu vous conduise ! Si votre crime a été grand, vous êtes aussi plus qu’un pénitent, vous êtes un martyr.

Et ils vinrent tous au perron, émus, mais contenant leur émotion dans les silences coupés de brèves et rares paroles. L’abbé et Calixte regardèrent Néel et Sombreval monter sur leurs chevaux et les suivirent des yeux jusqu’à ce