Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/89

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— Ô terre et ciel ! — fit-il, — monsieur ! Vous auriez l’audace de dire la messe en n’y croyant pas ?…

— Oui, Néel, — dit Sombreval, et d’autant plus que je n’y crois pas. Je suis un athée. Je ne suis pas un sacrilège. On ne profane les choses sacrées que quand on les croit sacrées ; mais moi, je suis un incrédule. Aussi ces vieilles mains de savant ne trembleront pas, allez ! quand j’élèverai le calice au-dessus de ma tête, et elles ne trahiront pas mon secret !

— Quel secret ? — fit Néel consterné.

— Ah ! je me suis dit tout ce que vous pouvez me dire, Néel ! reprit Sombreval. Il y a huit jours que toutes les pensées qui s’élèvent maintenant dans votre cœur, je les porte dans le mien et que je me débats contre elles. Croyez-vous que je n’aie pas souffert ? Croyez-vous que la résolution que j’ai prise ne m’a pas été cruelle ?… Un mensonge qui ne finira qu’avec moi ! Mais il fallait sauver Calixte, et à ce prix je la sauve ! Il fallait cela pour que la bassesse d’un mensonge ne répugnât pas au vieux Sombreval ! Croyez-vous, vous qui me connaissez, que je sois fait pour le mensonge, que je sois taillé pour l’hypocrisie ?

Mais il est des gens qui ont vécu dix ans, vingt ans, trente ans sous un masque scellé par des bourreaux sur leur face écrasée et qui