Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/120

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Agathe était une âme tendre que les années n’avaient pas durcie. Lasthénie le savait bien. « Agathe n’est pas comme ma mère, — pensait-elle. — Elle ne me mépriserait pas, elle ne m’accablerait pas. Elle aurait pour moi de la pitié. » Et que de fois cette fille infortunée avait, dans le malheur qui était tombé sur sa vie, été tentée de se jeter dans les bras de celle qu’elle avait appelée si longtemps sa « bonne », quand elle était enfant et qu’elle avait des chagrins d’enfant. Mais sa mère — l’idée de sa mère — la retenait. L’ascendant de madame de Ferjol sur sa fille avait toujours été irrésistible, et cet ascendant était devenu terrifiant. Elle la médusait avec ses regards toujours fixés sur elle, quand Agathe était là… Et Agathe non plus n’osait dire une seule de ses pensées, quand elle regardait, en tricotant, par-dessus ses lunettes, ces deux femmes travaillant l’une devant l’autre dans une désolation silencieuse. Ses pensées n’avaient pas changé, mais elle les gardait en elle depuis qu’elles avaient été accueillies par des haussements d’épaules de madame de Ferjol. Celle-ci, pour expliquer la pâleur,