Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/136

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maient plus rien, pas même le désespoir ! car Lasthénie était en train de tomber plus bas que dans l’absorption fixe du fou. Elle allait tomber dans le vide fixe de l’idiot.

Sa mère la contempla longtemps avec la pitié mêlée de terreur que lui causait le désastre de ce visage. Elle n’avait jamais dit à sa fille qu’elle la trouvait belle ; mais, au plus profond de son âme, elle n’avait pas moins la fierté du visage de Lasthénie, quoiqu’elle n’en parlât jamais, la janséniste austère, de peur d’exalter deux orgueils, — celui de sa fille et le sien. Aujourd’hui, ce visage ravagé la navrait, de le voir ! « Ah ! pensait-elle, cette fille charmante sera peut-être affreuse et tout à fait imbécile demain ! » Elle voyait déjà poindre le hideux idiotisme à travers cette fille, morte avant d’être morte… car on croit que les corps de la plupart de ceux qui meurent s’en vont de ce monde les premiers et avant leurs âmes, — mais pour d’autres, les corps restent là, dans la vie, quand les âmes, depuis bien longtemps, n’y sont plus !

Et le soir les prit dans ce face-à-face, de