Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/154

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son pays et qui s’était mise à reboire avec un avide enchantement l’air natal, oxygéné par l’amour, put suffire à tout, en leur épargnant tout. Elle se plaça entre ces femmes qui étaient arrivées dans ce château abandonné sans prévenir personne et ce pays où elles ne voulaient connaître personne… À elle seule, Agathe rendit habitable ce vieux château presque délabré, dont elle savait les êtres par cœur et qui lui rappelait sa jeunesse. Elle le laissa sous ses persiennes, strictement fermées, mais elle rouvrit les fenêtres par-dessous les persiennes rouillées et noircies par le temps, pour donner un peu d’air aux appartements qui sentaient le mucre, disait-elle. Le mucre, en patois normand, c’est le moisi qui résulte de l’humidité. Elle battit et essuya les meubles qui craquaient et s’en allaient de vétusté. Elle retira des armoires le linge empilé et jauni par un si grand nombre d’années, et mit les draps aux lits qu’elle chauffa pour en ôter l’impression sépulcrale que font à nos corps les vieux draps, restés longtemps sans être dépliés dans les armoires. Malgré les trois personnes qui