Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/161

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plus rien à Lasthénie. Elle ne lui reprochait plus rien. Elle avait senti l’impossibilité de vaincre cette fille si faible, elle si forte ! et sa force lui retombait sur le cœur. Hélas ! ce silence n’avait, toute leur vie, que trop existé entre ces deux femmes, mais alors il devint absolu. Il devint le silence de deux mortes, mais de deux mortes enfermées dans la même bière, de deux mortes qui n’étaient pas mortes, qui se voyaient et se touchaient sous les quatre planches qui les comprimaient l’une sur l’autre, éternellement muettes. Ce silence funèbre entre elles était le plus insupportable de leurs supplices… Ce n’est pas la prière, comme dit le mystique Saint-Martin, qui est la respiration de l’âme humaine. Non ! c’est la parole tout entière, et quoi qu’elle exprime, haine ou amour, soit qu’elle maudisse ou bénisse, soit qu’elle prie ou blasphème ! Aussi, se condamner au silence, c’est se condamner à étouffer sans mourir. Elles s’y étaient, de volonté et de désespoir, condamnées. Leur silence mutuel était à chacune des deux un bourreau. Madame de Ferjol, dont rien ne pouvait tuer la foi profonde, parlait