Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/162

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

encore à Dieu ; elle se jetait à genoux devant sa fille et priait tout bas. Mais Lasthénie ne priait plus, ne parlait pas plus à Dieu qu’à sa mère et même souriait d’un mauvais sourire, vaguement méprisant, en la regardant, quand elle la voyait prier au bord de son lit, agenouillée. Pour cette opprimée du Destin, il n’y avait ni de justice en Dieu, ni de justice humaine, puisque sa mère n’en avait pas pour elle. Ah ! d’elles deux, c’était toujours la pauvre Lasthénie qui était la plus malheureuse ! Quant à Agathe, sans cesse écartée par madame de Ferjol, elle n’osait pas venir travailler dans cette chambre où l’on ne parlait plus et, quoique la mort dans l’âme de l’état de Lasthénie, elle reprenait cependant avec émotion, dans ce château où elle avait vécu son temps de jeunesse, possession des choses qui l’entouraient et « qui la connaissaient », disait-elle, et elle vaguait dans le jardin, autour du puits, partout, s’occupant seule de ces soins domestiques, dont ses maîtresses semblaient avoir perdu jusqu’à la notion. Sans Agathe qui les faisait manger