Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/168

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la Providence de l’avoir pris avant sa naissance, comme si elle avait voulu lui épargner, ainsi qu’à sa fille, d’autres hontes et d’autres douleurs. Pour elle aussi, madame de Ferjol, c’était une délivrance ! Cette mort la délivrait d’un enfant qu’il aurait fallu cacher dans la vie, comme elle l’avait caché, mais à quel prix ! dans le sein de sa mère et qui, vivant, aurait fait rougir Lasthénie de cette immortelle rougeur de la honte, que les bâtards infligent aux joues de leurs mères, comme un soufflet de bourreau.

Mais sa joie fut cruelle encore. Quand elle eut détaché l’enfant de sa mère, elle le lui montra. « Voilà votre crime et son expiation ! » lui dit-elle.

Lasthénie regarda l’enfant mort, avec des yeux qui l’étaient autant que lui, et tout son corps qui n’en pouvait plus, frissonna. « Il est plus heureux que moi », murmura-t-elle seulement, pendant que madame de Ferjol épiait sur son front l’expression d’un sentiment qu’elle s’étonna de n’y pas trouver. Elle y cherchait de la tendresse. Elle n’y trouva que de l’horreur, l’horreur éternelle,