Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/169

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familière à ce front à laquelle semblait vouée fatalement Lasthénie. Elle, madame de Ferjol, la femme passionnée qui avait aimé, et de quel amour ! l’homme qui l’avait épousée, ne vit, dans ce visage raviné par les larmes, rien de ce qui explique et innocente tout — l’amour ! Elle avait involontairement compté sur l’instant suprême de cet accouchement où, par dévouement maternel, elle s’était faite la sage-femme de sa fille pour que tout restât entre elles deux et Dieu seul, de cette virginité perdue ; et il fallait renoncer à l’espoir de cette lueur dernière, pour pénétrer le mystère de l’âme de Lasthénie ! Cette lueur espérée s’éteignit dans cet accouchement clandestin d’un enfant qui n’avait pas de père ! À la même heure de cette nuit funeste dont madame de Ferjol ne dut jamais oublier les sensations, il y avait certainement dans le monde bien des femmes heureuses, qui accouchaient d’êtres vivants, fruits d’un amour partagé et qui tombaient des flancs d’une mère délivrée dans les bras d’un père fou d’amour et d’orgueil ! Mais y en avait-il une seule, y en avait-il une seconde dont la des-