Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/171

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Lasthénie, madame de Ferjol prit le cadavre de l’enfant mort, — et l’ayant enroulé dans une de ces layettes qu’elle avait cousues, en leurs longues heures de silence, auprès de sa fille, qui n’avait jamais eu, elle, la force d’y travailler, elle l’emporta hors de la chambre, qu’elle ferma à la clef pour le temps où elle devait rester sortie. Elle ne savait point si Lasthénie ne se réveillerait pas, mais la nécessité, la nécessité aux mains de bronze, lui fit courir cette chance du réveil de Lasthénie… Elle avait allumé une lanterne sourde, et elle descendit au jardin, où elle se souvenait d’avoir vu une vieille bêche oubliée dans un coin de mur, et c’est avec cette bêche et dans ce coin de mur qu’elle eut le courage de creuser une fosse pour l’enfant mort, et de la mort de qui elle était innocente !… Elle l’enterra de ses propres mains, de ses mains si fières autrefois, et devenues pieuses, et maintenant si profondément humiliées. Tout en creusant son sinistre trou, à la dérobée, dans cette nuit noire, sous les étoiles qui la regardaient faire, mais qui ne diraient pas qu’elles l’avaient vue, elle ne pouvait s’em-