Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/174

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sa grossesse. Ce fut le même accablement, la même pâleur, la même stupeur, le même retirement en elle-même et le même égarement quand elle en sortait, le même hébétement, la même démence muette ! Le coup déshonorant de l’incrédulité de sa mère à son innocence et l’inexplicabilité de sa grossesse lui avaient fait au cœur une blessure qui saignerait toujours et dont elle ne devait jamais guérir.

Sa mère, elle, rassurée par l’idée du secret, impénétrable maintenant, de la faute de sa fille, s’adoucit, et, chrétienne, se rappela peut-être le mot chrétien : « À tout péché miséricorde ! » Du moins, elle n’eut plus avec Lasthénie l’irritabilité accoutumée qu’elle n’avait pu, malgré son caractère et la force de sa raison, maîtriser. Les choses irréparables sont comme la mort, et on accepte l’idée de la mort ; mais Lasthénie n’accepta pas l’idée de l’irréparabilité de sa faute. De ces deux femmes, ce fut la plus faible qui se montra la plus profonde… Lasthénie ne se modifia pas dans ses relations avec sa mère. Fleur flétrie, elle ne releva pas sa tête humi-