Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/189

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rait assez pour l’épouser, et qui croirait, en l’épousant, épouser une jeune fille, qu’elle n’était plus qu’une veuve, et une veuve qui ne peut plus sortir de l’abjection de son veuvage ?… Comment faire la confidence du déshonneur de Lasthénie à un homme (n’y eût-il que celui-là sous la calotte des cieux !) qui viendrait demander sa main à sa mère, avec toute la foi et toutes les espérances de l’amour ? Probité, loyauté, religion, tous les atomes divins qui composaient cette noble femme, se levaient en madame de Ferjol pour repousser une telle pensée, et de toutes celles qui lui crucifiaient l’âme, ce n’était pas la moins saignante ! Sans doute, dans l’état de prostration et de dépérissement où Lasthénie était plongée, elle ne pouvait plus inspirer que de la pitié ; mais elle était si jeune, et il y a de si puissantes ressources dans la jeunesse ! Seulement, il n’y a pas de ressources contre la nécessité de dire la vérité, sous peine d’être infâme ! Et c’est cette idée d’infamie qui liait l’existence et le destin de madame de Ferjol au destin et à l’existence de sa fille, et qui les condamnait à vivre ensemble, dans cet iso-