Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/190

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lement qu’elles ne connaissaient que trop ; — le terrible isolement des âmes, quand les cœurs sont dans l’espace, cœur contre cœur…

Mais cette hypothèse d’un homme qui aimerait un jour Lasthénie ne fut rien de plus qu’un rêve de sa mère, qui ajouta sa douleur à toutes celles que la réalité infligeait à madame de Ferjol. Lasthénie, chez qui madame de Ferjol avait cherché vainement un seul signe d’amour trahi, la triste nuit qu’elle devint mère, Lasthénie devait mourir sans être aimée. Sa beauté perdue ne refleurit pas. Elle ne lui revint point, ramenée par sa jeunesse. Quoiqu’elle eût dit à Agathe, le jour qu’elle revint de son pèlerinage, que Lasthénie allait mieux, madame de Ferjol, qui voulait le croire plus qu’elle ne le croyait, ne le crut plus du tout quand elle vit les jours et les mois s’entasser sur cette tête, charmante naguère, et la courber de plus en plus. Pour qui aurait été au courant de l’histoire de Lasthénie, on aurait dit que cet accouchement dont elle n’était pas morte et dont elle pouvait mourir, lui avait laissé on ne sait quelle rupture de l’épine dorsale vers les reins, car