Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/193

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l’homme qu’elle avait idolâtré, elle n’exprimait pas de pitié à sa fille, qui n’était plus, du reste, capable de comprendre même la pitié qu’elle inspirait… Le marasme de Lasthénie qui déconcertait les médecins, et qu’après avoir vaguement parlé de moxas, ils déclarèrent incurable, n’était pas seulement au corps de la jeune fille, mais à son âme… Il la tenait tout entière… La raison de Lasthénie, qui avait déjà rasé de si près l’idiotisme, pencha le peu de clarté qui lui était restée vers les ténèbres d’une sombre démence, mais son silence garda sa folie. Elle se mourait comme elle avait vécu, sans parler… Avait-elle encore conscience d’elle-même ? Elle passait tous ses jours sans dire un mot, oisive, immobile, la tête contre le mur (signe de folie triste), ne répondant pas même à Agathe, noyée de pitié et de larmes, à Agathe, désolée de n’avoir pas sous la main cette ressource sur laquelle elle avait trop longtemps compté, un prêtre qui exorcisât sa chérie, sa pauvre « Possédée » ! Les prêtres alors étaient en fuite, et la Révolution en pleine furie… Et on ne le savait à Olonde que parce qu’il y man-