Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/195

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rien qui pût leur faire croire qu’elle allait mourir. D’ordinaire, elles n’avaient pas besoin de la surveiller. Elles la laissaient la tête contre le mur de sa chambre que sa tranquille démence avait adopté, et elles allaient et venaient dans cette maison où il n’y avait que deux choses éternelles, madame de Ferjol qui priait et Agathe qui pleurait, chacune dans son coin… Ce jour-là, elles la retrouvèrent comme elles l’avaient laissée, — à la même place, — la tête contre son mur, les yeux tout grand ouverts, quoiqu’elle fût morte, et l’âme partie ! cette pauvre âme qui n’était presque plus une âme ! À cette vue, Agathe se jeta aux genoux de sa « chérie », qu’elle lia passionnément avec ses bras et sur laquelle elle roula, en sanglotant, sa vieille tête pâmée de douleur. Mais madame de Ferjol, qui contenait mieux l’émotion d’un pareil spectacle, glissa la main sous le sein de celle qu’elle avait appelée si longtemps de ce nom qui lui convenait tant : « Ma fillette », pour savoir si ce faible cœur qui battait là ne battait plus et elle sentit quelque chose… Du sang, Agathe ! fit-elle d’une voix horriblement creuse.